Ma vie un peu particulière

Lettre

 

L’homme dynamique qui veut contourner les murs

 

Je m’appelle Mathieu, j’ai aujourd’hui 30 ans. Je suis né infirme moteur cérébral, le 23 Mai 1985 à Toulouse, en même temps que mon frère jumeau, Benjamin, qui lui est décédé ce jour-là, étouffé par le cordon ombilical.

 

A l’âge de six ans et demi, j'ai eu un deuxième frère. Nous formons une petite famille soudée. Mes parents m’ont toujours beaucoup accompagné en cherchant à ne pas m’enfermer dans le monde du handicap. J’ai ainsi pu m’ouvrir à d’autres milieux.

 

En primaire, je partageais mon temps entre le domicile, une école privée catholique de Toulouse où travaillait ma mère et les établissements adaptés autour de la ville. A partir de la sixième, je n'ai fréquenté que des écoles spécialisées.

 

A l’âge de 14 ans, j'ai traversé une période difficile au point de vouloir me suicider. Je pensais beaucoup à Benjamin et à la mort. J'étais en pleine adolescence. Je ne parvenais pas à être moi-même. Mille questions trottaient dans ma tête.

 

Puis, je me suis dit « stop » : il fallait que je pense moins à mon frère jumeau pour aller mieux. Une manière de me libérer, de me prendre en main et de me construire, seul.

 

J'ai passé mon diplôme scolaire à 17 ans et arrêté l'école à 20. J'avais le projet de vivre en appartement, je ne me voyais pas en foyer. Mais je me suis rendu compte que cette étape était importante pour apprendre l’autonomie et pouvoir voler un jour de mes propres ailes.

 

Je suis heureux d'être en vie.  Pour moi c'est Dieu, qui a fait  la terre ronde des Hommes et des femmes .

 

Justement c'est le problème, car, en tant qu'homosexuel, je me sens exclu de l'Eglise. Pourtant nous vivons dans la même société, qu'on soient handicapés ou valides. Il faudrait presque se faire tout petit, comme un ange ou une souris, pour rentrer dans l’Eglise. C'est pas écris sur le front ce qu'on est et d'abord Dieu nous aime comme on est et c'est la richesse de ce monde !

Non ?

 

Avant je le vivais assez bien, le handicap et ma foi. Et à l'adolescence , j'ai eu plein de doutes sur les questions de sexualité , sur la vie en générale . J'accepte les trois choses qui font celui que je suis maintenant.

 

Et aujourd’hui avec mon handicap, la foi et ma sexualité, ce n'est toujours pas évident pour moi, d'assumer tout ça !

 

J'ai tenté à plusieurs reprises d’entamer des relations avec des filles mais ça ne fonctionnait pas. Je me cherchais : un ange me disait « oui », un autre me disait « non ». Un autre chemin se présentait-il à moi ? Et je me suis progressivement rendu compte que j'étais plutôt attiré par les garçons.

 

Mais comment assumer cela dans ma relation à Dieu et à l’Eglise ? Comment évoquer ce sujet qui faisait pourtant partie des questions cruciales de ma vie. Les positions officielles de l’Eglise m’obligeaient à me cacher et à me mentir à moi-même et aux autres sur cette part importante de moi.

 

Mes parents étant chrétiens non pratiquants, ce sont mes grands-parents paternels qui m’ont éduqué dans la foi catholique.

 

J’allais à la catéchèse au sein de l’école et, en dehors de ma classe, j’ai été accompagné par une collègue de ma mère pour la première communion. Elle est devenue ma marraine de confirmation. Grâce à ces personnes, j’ai toujours su que Dieu était présent dans ma vie. Je sentais la force de Dieu qui m’aidait à vivre malgré ce que je subissais. Sans Lui je ne serais pas là aujourd’hui. Il a choisi mes amis.

 

Sœur Emmanuelle, l’abbé Pierre et Jean-Paul II ont été trois modèles pour moi qui m’ont beaucoup marqué. J’ai eu la chance d’entendre témoigner Sœur Emmanuelle et Jean-Paul II à Lourdes.

 

Dans un autre genre, le chanteur Grégory Lemarchal m’a touché également, par sa capacité à se battre et à dépasser sa maladie. Son histoire m’a fait du bien. A l’instar récemment de ma rencontre avec l'écrivain Tim Guénard. C’est en m’inspirant de ces exemples qu’est né le désir d’aider les autres, à mon tour.

 

Lors de ma préparation à la confirmation, à 19 ans, un ami prêtre m’a particulièrement aidé à résoudre cette équation impossible.

 

Je me souviens d’un moment fort où je me sentais harcelé par cette question récurrente et j’ai demandé à Dieu une réponse : si je suis concerné, aide-moi à dire 3 fois « oui ». Et j’ai pu prononcer ces « oui » sur mes lèvres. Dieu m’avait parlé par l’intermédiaire de mon corps fragile. Étais-je fou ? En tous les cas, j’ai pu ressentir une grande respiration, unique dans ma vie, comme si c’était la toute première fois.

 

Aujourd’hui, même si cela reste parfois douloureux, j'assume ces deux parts inhérentes à ma personnalité : mon handicap et ma sexualité. Et la foi est certainement ce qui m’aide au quotidien à unifier tout cela, dans la joie.

 

La foi me donne aussi un élan de vie, un élan d’amour, un désir d’engagement sans cesse renouvelé. Je suis toujours à la recherche de davantage d’autonomie, de rencontres amicales et amoureuses, de projets porteurs et de dynamisme. J’ai ainsi pu faire partie du conseil de vie sociale de mon foyer, monter une association « Vivre le handicap à travers le rugby » ou encore être à l’initiative d’un groupe de prière.

 

Aujourd’hui, je veux témoigner de mon bonheur à être celui que je suis car, sans avoir encore toutes les réponses à mes questions, j’ai le sentiment d’avoir trouvé un véritable sens à ma vie.

 

Cette force donnée par Dieu me pousse à vouloir faire quelque chose des réalités qui me caractérisent: aider les autres, en abolissant les différences apparentes. Je souhaiterais notamment participer à la réflexion autour du sujet, encore tabou, de l’affectivité des personnes handicapées. Comment peut-on aider les handicapés à vivre intégralement leur affectivité, leur sexualité, leur foi ou leurs passions au sens large ?

 

J’ai connu un handicapé homosexuel qui est mort et avec qui je n’ai pas eu le temps de pouvoir échanger. J’en ai tiré la conviction qu’il fallait commencer par contourner le mur du silence, parler des choses en vérité, sans se cacher, sans avoir peur, cela peut sauver bien des vies ! Le petit homme que je suis a envie de crier jusqu’au bout de la terre, qu’avec un peu de paroles, d’entraide et d’attention à l’autre, on peut toujours s’en sortir !

 

écrite par moi même avec un peu d'aide.

 

Je voudrais faire une exposition D'ART sur un SUJET qui me tient à cœur : la sexualité dans le handicap .

c'est l' histoire d'un jeune homme qui veut assumer son homosexualité, qui souhaite mettre son histoire en art et en lien avec ses passions :

la peinture, la danse, le sport , la photographie, etc.

 

Le but premier c'est d'aider les gens à assumer ce qu'ils sont : je fais cette exposition pour moi mais avant tout pour que ça touche d'autres personnes. J'ai besoin de m'exprimer au monde pour casser les tabous. Nous vivons dans un monde brutal rempli de préjugés et de jugements sur la différence.

 

Être un homme ou une femme heureux(se) peu importe les différences et attirances sexuelles, c'est un combat que je mène depuis dix ans.

 

Donc aujourd'hui je voudrais qu'on puisse avoir un nouveau regard sur la société.

 

Et voilà, j’espère qu'après avoir fait cette exposition que ça va faire bouger des milliers de  personnes valides ou avec un handicap, qui sont comme moi différents.

 

 

 

 

 

CERDAN Mathieu